Am I Diane ?

En couleur

Toute ma vie, j’ai envié la lumière des autres.

Déja petite, je me sentais grise et oubliable au milieu des autres qui existaient, qui étaient en couleurs. Je n’arrivais pas à trouver la couleur, la passion, la lumière en moi. Je regardais les autres et je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.

Je me réfugiais dans un monde intérieur ou je rayonnais : j’avais des super-pouvoirs, ou bien j’étais célèbre. Dans tous les cas, j’étais belle, admirée de tous et populaire.
J’ai pris des cours de danse, de chant, de théâtre, pour essayer de donner forme à ce monde dans la réalité, mais sans réel succès.

J’étais comme une petite boule de flipper, qui tente de trouver sa lumière dans les coins, mais ne fait que se prendre des coups avant de rebondir vers un autre endroit.

J’avais une soif d’affection et de reconnaissance énorme et je n’arrivais pas à l’étancher.
J’avais l’impression que les autres enfants ou ados étaient beaucoup plus appréciés à leur juste valeur et recevait plus d’affection alors que je correspondais plus à ce que l’on attend d’un enfant sage. Cela générait beaucoup de frustration et de ressentiment chez moi, je ne comprenais pas pourquoi je n’avais pas droit à tout ça malgré tous mes effort pour être parfaite.

J’ai plus l’impression d’avoir poussé que d’avoir véritablement grandi. Je me suis construite en grapillant des bouts d’affection et quelques moments de chaleur mais sans vraiment être nourri.
Je pense que mes parents voyaient très bien aussi que je n’etais pas aussi colorée que les autres enfants. Mais ils m’en ont tenu pour seule responsable sans eux même se remettre en question. Ils n’ont pas vu ou pas voulu voir mes appels au secours (car il y en a eu). J’ai compris que ma mère était jalouse des autres mères qui selon elle avait de “meilleurs” enfants. Et d’ailleurs, je pensais aussi que les autres enfants étaient mieux que moi. J’ai pourtant essayé de trouver grâce à leurs yeux en me rendant le plus utile possible et en faisant ce que je pouvais pour les rendre fiers. Mais ça ne suffisait pas. Ca ne suffisait jamais.

Maintenant que j’ai enfin trouvé ma propre lumière, je n’ai pas l’impression qu’ils sont satisfaits, mais plutôt jaloux. Ils ont tout d’abord été surpris que je sois capables d’accomplir les mêmes choses et même plus que les enfants colorés : faire du théâtre d’improvisation, réussir un concours difficile, partir à l’autre bout du monde… Ma mère en particulier avait toujours cet air incrédule quand quelqu’un me faisait un compliment ou me félicitait et pouvait même aller jusqu’à à me rabaisser tellement elle était mal à l’aise. Elle m’avait bien fait comprendre dès toute petite que je ferais mieux de ne pas être trop ambitieuse, que certaines choses étaient accessibles pour les autres mais pas pour moi. J’allais devoir cravacher si j’espérais arriver à un niveau comparable au sien.

Suivre ses rêves, vivre de belles expériences, avoir un mode de vie différent, c’est bien pour les autres. Mais pour moi non. Je ne faisais pas partie de cette catégorie de personnes qui vivraient ça, je ne faisais pas partie de ce monde, alors autant me le mettre en tête très vite. Je n’avais pas de charisme là, cette beauté là, cette intelligence là. Il m’a fallu tellement de temps et il me faut encore lutter aujourd’hui pour réaliser que rien de tout ça n’est vrai.

Encore aujourd’hui, j’ai un besoin de douceur et de soin qui peut parfois me mener aux larmes tant c’est écrasant : même dans mes relations actuelles, j’ai du mal à me poser autrement qu’en tant que personne qui aide et prend soin et pas l’inverse.
Souvent je me dis que si j’étais plus jolie et gracile, les choses se passeraient autrement.

Déja très jeune, je me suis assimilée à une fonction d’outil, qui se doit d’aider et de ne pas poser problème. Les enfants “colorés” avaient le droit d’être triste, de se plaindre, d’avoir des problèmes et de recevoir de l’attention en retour.
Moi non. C’est comme si ma présence était une faute et que je me devais de limiter les dégâts en me faisant la plus petite possible.
Mais de quelle faute parlons nous ? Quelle dette dois-je rembourser ?